Santé mentale au travail : Divulguer ou ne pas divulguer?

La pandémie de COVID-19 oblige les employés à repenser leur relation avec le travail ; ils ont besoin et s’attendent à des lieux de travail sains.  

Les employeurs répondent donc à ces besoins et à ces attentes.   

Kate Toth, qui étudie les processus de sensibilisation au lieu de travail en tant que directrice de l'apprentissage et du développement au YMCA WorkWell, résume ce que veulent les employés :  

"Je m’attends à de l'empathie et du soutien pour reconnaître que je suis une personne à part entière et que j'ai besoin de soins authentiques en tant qu'être humain. Je commencerais par une charge de travail gérable", a-t-elle déclaré à la Harvard Business Review.   

Cependant, parler de santé mentale comporte encore des risques énormes, surtout pour les personnes atteintes de maladies mentales graves.   

Une nouvelle étude, réalisée par Toth et autres, suggère que les avantages de la divulgation pourraient l'emporter sur les risques. Elle permet de montrer que le partage d'informations sur notre santé mentale peut avoir un impact positif sur le bien-être psychologique d'une personne. Il peut également favoriser une culture d'ouverture, procéder à des adaptations sur le lieu de travail et obtenir un soutien social, autant de facteurs qui, en fin de compte, aident les employés souffrant de troubles mentaux à se rétablir et à réussir. 

Santé mentale au travail:
15 % des adultes en âge de travailler souffrent de troubles mentaux à un moment donné. 

Pourquoi la plupart des gens choisissent-ils de ne pas partager des informations sur leur santé mentale au travail ? 

Le partage des informations personnelles n'est pas la norme. La plupart des gens cachent leurs problèmes de santé mentale à leurs responsables et à leurs collègues, même lorsque cette ouverture pourrait conduire à des adaptations de l'environnement de travail qui les aideraient à être plus performants.   

Qu'est-ce qui pousse les employés à choisir de cacher ces informations plutôt que de les partager ? La peur de la stigmatisation et de la discrimination. Les personnes craignent d'être stéréotypées ou perçues comme incompétentes au travail. Ils craignent d'être ostracisés par leurs collègues. Ils s'inquiètent également de perdre des possibilités d'avancement et craignent même de perdre leur emploi.   

Les études sur le sujet suggèrent que les personnes souffrant de troubles mentaux ont raison de se méfier. La stigmatisation et la discrimination à l'égard des personnes souffrant de troubles psychologiques persistent sur le lieu de travail et peuvent constituer des obstacles à une bonne santé mentale et au rétablissement. Les stéréotypes courants associés aux personnes atteintes de maladies mentales graves telles que la schizophrénie, la dépression et les troubles bipolaires incluent l'imprévisibilité et la dangerosité, la paresse et la faiblesse de caractère.   

Mais comme le montrent de nouvelles études analysant l'expérience de la divulgation par les employés aux Pays-Bas et au Canada, la stigmatisation et la discrimination ne sont pas universelles. La plupart des employés ont en fait une expérience positive. 

Quels sont les avantages de la divulgation?   

Une récente étude néerlandaise dirigée par Evelien Brouwers, professeure de santé mentale et d'emploi durable à l'université de Tilburg, a interrogé environ 300 travailleurs, dont la plupart se sont identifiés comme femmes, sur les conséquences de leur décision de révéler un problème de santé mentale au travail. Quatre-vingt-huit pour cent des travailleurs qui ont révélé leur maladie mentale à un gestionnaire ont eu une expérience positive, principalement parce qu'ils ont reçu le soutien de leurs superviseurs. Douze pour cent ont déclaré avoir vécu une expérience négative, comme l'absence de soutien de la part de l'entreprise ou la perte d'emploi (parmi les travailleurs qui ont choisi de ne pas divulguer leur santé mentale, la plupart ont également déclaré avoir vécu une expérience positive, citant une préférence pour la gestion autonome de leurs problèmes de santé mentale).    

Si les résultats suggèrent que l'expérience du partage est positive pour la plupart des travailleurs, les chercheurs préviennent que les résultats peuvent être spécifiques au contexte néerlandais, où les employeurs sont incités à prévenir le handicap sur le lieu de travail.   

Dans une autre étude, les chercheurs ont examiné les facteurs qui influencent la décision de divulguer un problème de santé mentale au travail et ce qui se passe ensuite. Ils ont mené des entretiens approfondis avec 28 personnes qui avaient commencé un nouvel emploi au cours des 12 dernières semaines et qui avaient reçu un diagnostic antérieur lié à la santé mentale, notamment la dépression, l'anxiété, la schizophrénie et le trouble bipolaire. Ils ont discuté des objectifs des travailleurs, de leurs stratégies de divulgation et de l'impact à court et à long terme de la divulgation sur les travailleurs et leurs relations avec les autres. L'équipe de recherche était dirigée par Mme Toth, directrice de l'apprentissage et du développement chez YMCA WorkWell, une organisation canadienne qui aide les dirigeants à promouvoir la santé et le bien-être sur le lieu de travail.   

Comme l'étude néerlandaise, l'étude canadienne a également révélé que pour la plupart des participants le fait de partager des informations sur leur santé mentale au travail était une expérience positive. Par exemple, une femme de 28 ans atteinte de troubles bipolaires qui a partiellement révélé son état au travail a déclaré :   

« Non, notre travail, nous avons besoin de mesures d’adaptation au travail, mais cela ne veut pas dire que nous sommes moins intelligents, moins travailleurs que les autres. Je vois donc les choses vraiment différemment de ce que je voyais au début... Mais au final, la conclusion est plutôt positive, d’avoir osé en parler. »    

Peu de temps après la divulgation, environ 80 pour cent des participants ont ressenti une libération psychologique et physique et un plus grand confort au travail et dans leurs interactions sociales. Ils ont également déclaré se sentir confiants et s’accepter. À long terme, la plupart des participants ont signalé un sentiment accru d’appartenance, de satisfaction au travail et une plus grande confiance entre eux et leurs superviseurs immédiats.    

Même si l’étude était petite, les résultats nous rappellent qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour s’assurer que les travailleurs se sentent en sécurité pour divulguer un problème de santé mentale au travail – et récolter les avantages potentiels de le faire.    

Les femmes en tant que leaders: Les femmes aux postes de direction : une étude suédoise a montré que les femmes cadres étaient moins susceptibles d'aliéner et de discriminer les employés souffrant de dépression. Ils sont également plus susceptibles d'apporter des changements temporaires pour soutenir le rétablissement d'un membre du personnel.  

Conseils sur le partage de l'information : quoi, quand et combien devez-vous partager ?   

Malgré l'expérience positive des travailleurs dans ces études, révéler un problème de santé mentale au travail n'est pas le bon choix pour tout le monde. Il faut tenir compte de nombreux facteurs uniques et interdépendants, de la culture et du climat du lieu de travail d'une personne, à son sexe, son âge, son statut marital ou ses systèmes de soutien, en passant par ses expériences antérieures en matière de stigmatisation et de discrimination liées à la santé mentale et le stress lié à la dissimulation d'un handicap dit invisible. 

Si vous avez pesé les risques et les avantages et décidé de révéler de l’information sur votre santé mentale, voici quelques ressources utiles du Centre de réadaptation psychiatrique de l'université de Boston.