5 raisons pour lesquelles les femmes ont besoin d’un filet de sécurité numérique maintenant

La discrimination se manifeste de plus en plus dans le domaine numérique, où les femmes font face à une vague d’hostilité, de harcèlement et de violence. On estime que 85 % des femmes et des filles dans le monde ont été victimes de harcèlement et d’abus en ligne. Elles sont ciblées en fonction de leur genre, leur race et leur origine ethnique, leur orientation sexuelle, leur religion, leur apparence physique, leur statut social ou l’intersection de plusieurs de ces facteurs.  

Ce n’est pas seulement cruel. Dans les cas extrêmes, cela peut être dévastateur, forçant les femmes à suivre une thérapie pour l’anxiété, la dépression et le trouble de stress post-traumatique (SSPT) et loin des projecteurs publics ou professionnels.   

Les femmes ont besoin d’un filet de sécurité numérique pour limiter leur exposition au harcèlement facilité par la technologie et à ses effets sur la santé mentale. Cependant, les gouvernements, les entreprises et la société civile ont été lents à réagir. Ils ont également du mal à suivre le rythme des changements technologiques rapides. De plus, peu d’attention est accordée à la compréhension des répercussions de la victimisation en ligne sur la santé mentale et à la recherche de moyens d’aider les femmes à y faire face.  

Voici cinq raisons pour lesquelles nous devons nous lutter contre le harcèlement et aux abus en ligne des femmes – et à leurs conséquences sur la santé mentale – dès aujourd’hui.   

1. Le harcèlement en ligne devient de plus en plus grave.

Lors de la dernière recherche réaliser par le Pew Research Center, aux États-Unis, en 2021, environ 40% des personnes avaient personnellement subi une forme harcèlement en ligne. Malheureusement, ce nombre n’a pas beaucoup changé depuis 2017. 

Ce qui a changé, c’est la gravité du harcèlement en ligne. La situation s’aggrave.  

Pourtant, un pourcentage similaire d’hommes et de femmes sont maintenant confrontés à des formes plus graves d’abus en ligne, telles que le harcèlement criminel et sexuel. L’étude a également révélé que les femmes étaient plus de deux fois plus susceptibles que les hommes de dire que le harcèlement en ligne était bouleversant. 

2. Même l’homme qui a inventé Internet dit que le Web n’est « tout simplement pas assez sûr » pour les femmes et les filles.

En 2020, 30 ans après que Tim Berners-Lee a inventé le World Wide Web, il a déclaré qu’il « ne fonctionne pas pour les femmes et les filles ». Il a ajouté que « le harcèlement incessant réduit les femmes au silence et prive le monde de leurs opinions et de leurs idées ».  

Ses commentaires ont été motivés par des recherches menées par les organismes World Wide Web Foundation et World Association of Girl Guides. Dans une enquête mondiale, ils ont constaté que plus de la moitié des jeunes femmes ont été victimes d’abus en ligne, et près de 60% ont déclaré que la violence en ligne avait affecté leur bien-être physique ou émotionnel, et dans certains cas les deux.  

En réponse aux conclusions, Berners-Lee a appelé les gouvernements, les entreprises et la société civile à lutter contre la discrimination en ligne ou à risquer de la voir se développer « à une vitesse et à une échelle jamais vue auparavant ».    

3. L’abus en ligne est également un gros problème pour les femmes sur le lieu de travail. 

Les femmes n’échappent pas au harcèlement en ligne lorsqu’elles vont travailler. Par exemple, en mars 2022, le commissaire australien à la sécurité électronique, dont le bureau mène des recherches sur la sécurité en ligne, a signalé que plus d’une femme sur trois (35%) avait été victime d’abus en ligne liés au travail. Sur le lieu de travail, Les femmes ayant un profil public, les femmes plus jeunes et celles ayant un handicap ou s’identifiant comme LGBTQI+ étaient plus susceptibles d’en être victimes. Parmi les personnes ciblées en ligne, 41 % ont signalé des répercussions sur la leur santé mentale. Conséquemment, certains répondants au sondage ont également déclaré avoir quitté temporairement ou définitivement les activités en ligne liées au travail; et d’autres ont abandonné des postes de direction ou quitté leur emploi.  

« Le rapport montre que cet abus ciblé a un impact grave sur la santé mentale des femmes, cause des dommages à leur réputation et peut avoir des conséquences dévastatrices sur leur carrière », a écrit le commissaire à la sécurité électronique eSafety.  

Une étude distincte a estimé que le harcèlement en ligne et la cyberhaine ont coûté aux Australiens environ 3,7 milliards de dollars en coûts liés à la santé et en perte de revenus.   

4. La discrimination en ligne n’est pas seulement un problème de santé mentale. C’est une menace pour la société.

À la mi-juin, la Maison-Blanche a créé un groupe de travail pour lutter contre les préjudices en ligne aux États-Unis. L’annonce reconnaît que le harcèlement et les abus en ligne affectent de manière disproportionnée les femmes, les filles, les minorités visibles et les personnes LGBTQIA2S +, et « peuvent saper les droits de l’homme et la pleine participation à la démocratie, à la gouvernance et à la vie civique ».  

Le groupe de travail appuiera la recherche sur les effets de la violence sur la santé mentale et l’élaboration de programmes et de politiques pour lutter contre le harcèlement en ligne. Les États-Unis ont également lancé le Partenariat mondial pour l’action contre le harcèlement et les abus en ligne fondés sur le genre « pour mieux hiérarchiser, comprendre, prévenir et lutter contre le fléau croissant de la violence sexiste facilitée par la technologie », qui dépasse la violence sexiste hors ligne en termes d’ampleur, de rapidité et de portée.  

Les membres comprennent l’Australie, le Canada, le Chili, le Danemark, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, la Suède et le Royaume-Uni.   

5. La lutte contre le harcèlement et les abus en ligne à l’encontre des femmes journalistes s’intensifie et suscite des solutions qui pourraient bientôt aider les autres.   

Une récente étude mondiale parrainée par l’UNESCO sur la violence en ligne contre des femmes journalistes, a révélé qu’elles sont « gravement et de manière disproportionnée »  touchées par les menaces croisées de sexisme et de racisme, d’homophobie et d’autres formes de discrimination et de préjugés. Les femmes journalistes noires, autochtones, juives, arabes et lesbiennes ont connu les taux les plus élevés et les impacts les plus graves de la violence en ligne, notamment le langage haineux, de messages privés harcelants, de doxing et même d’extorsion. En conséquence, les femmes journalistes ont souvent déclaré avoir subi des impacts sur la santé mentale, y compris le trouble de SSPT.  

« D’abord, on m’attaque parce que je suis journaliste. Deuxièmement, je suis attaquée parce que je suis une femme », a déclaré la journaliste Maria Ressa, lauréate du prix Nobel de la paix 2021, aux chercheurs.  

Diverses organisations se mobilisent pour développer des outils de protection des femmes journalistes. Par exemple, l’unité Jigsaw de Google et Thomson Reuters Foundation ont développé un filtre qui limite l’exposition des journalistes au contenu abusif. Le code de l’outil de gestion du harcèlement est un logiciel libre (open source), il peut donc être librement utilisé par d’autres pour protéger les femmes en ligne et protéger leur santé mentale. Ces types d’outils pourraient éventuellement aider à rendre le Web plus sûr pour les femmes du monde entier.